"Ce que le peintre calligraphe traduit sur sa feuille blanche n’est que l’expression de sa vision.
Et sa vision elle-même est le reflet de son être intérieur.
Il y a jeu et coordination entre la main et l’esprit.
Et si la peinture calligraphiée exprime le grand principe des métamorphoses de ce monde, comment le peintre sumi-e pourrait-il tenter de les reproduire s’il n’était pas lui-même dans un processus de transformation?
S’il tente de saisir l’élan intérieur qui habite les choses, comment pourrait-il les restituer s’il n’avait jamais reconnu en lui la source de son propre élan?
Il sera confronté aussi bien à ses élans et à ses inspirations qu’à ses propres erreurs et tatonnements. Mais il faut pouvoir intégrer toute erreur en termes de progression. Dans cet esprit, l’erreur est essentielle. Elle est l’approximation du vrai.
Il lui faudra aussi apprendre à exprimer la vie dans son aspect le plus inattendu et le plus paradoxal : son exubérance et sa sobriété, sa fougue et sa patience, sa variété et son dépouillement, sa puissance et sa fragilité, son audace et sa tendresse.
Il apprendra ainsi à fraterniser avec tous les mouvements naturels de la création, à l’égal de son monde intérieur."
Robert Faure - L’esprit du geste.
Initiation à l'art calligraphique chinois tch'an et japonais sumi-e